Depuis quelques années, on voit fleurir de nouveaux produits assez couteux et qui promettent des performances révolutionnaires. Mais quand il s’agit de craies, peut-on réellement croire en ces promesses de résultats magiques ?
Comment évaluer les performances d’une craie ?
La craie, ou bleu, est l’accessoire le plus utilisé au billard, loin devant le gant. Et pour cause : de tous les accessoires, il est le seul à être indispensable ! En effet, seule l’application régulière de craie sur votre procédé vous garantit d’éviter la fausse-queue (quand la queue « glisse » et rebondit à la surface de la bille blanche). Objectivement, n’importe quelle craie correctement appliquée peut éviter la fausse-queue (sa mission première). Alors quels critères permettraient de différencier les craies, notamment entre les craies de luxe comme le Roku et les craies standards comme des Silver Cup ou des Masters ? Autant le dire tout de suite : cette craie à 25 € (prix moyen de la Roku. Oui, juste pour une seule craie) ne vous fera pas mieux jouer qu’une craie à 0.50€ !
Comme beaucoup de joueur, j’ai commencé avec des craies standards. Pourtant, au fil du temps, certains critères ont pris de l’importance pour moi : le niveau de sècheresse du grain, le fait qu’elle grince ou pas quand je l’applique, et quand j’ai acquis mes propres billes, le fait qu’elle ne marque pas les billes. Mon style de jeu lui-aussi a influencé certains critères : en effet, je joue à un rythme assez élevé et ma routine avant chaque coup n’inclue pas forcément l’application du bleu. C’est pourquoi j’apprécie que la craie tienne plus de trois coups.
C’est pourquoi, lorsque je teste une craie, je retiens les éléments suivant :
- elle a un grain sec ou gras (subjectif)
- elle ne couine pas sur le procédé quand je l’applique (subjectif)
- elle ne marque pas la bille blanche (objectif)
- elle tient au minimum 3 shoots sans fausse-queue (objectif)
Penchons-nous maintenant sur notre Roku.
Les caractéristiques du Roku
Pour vous donner quelques éléments sur mon parcours avec les craies de billard, j’ai commencé comme tout le monde avec des Masters, craies économiques qu’on trouve dans toutes les salles. Constatant que les bleus fournis dans les salles étaient souvent inutilisables (non, on n’applique pas le bleu comme on taille un crayon !), j’ai rapidement acquis mon propre bleu. J’ai acheté d’abord du Silver Cup (assez sec), puis du Goldstar (beaucoup plus gras que le Silver Cup) avant de jeter mon dévolu sur du Blue Diamond de Longoni (encore plus gras que le Goldstar). Cette marque de bleu m’a accompagné durant près de 20 ans et je continue de considérer qu’il s’agit d’un excellent bleu, même s’il marque franchement les billes. Le passage au Roku ne s’est pas fait naturellement. En effet, comment justifier l’achat d’une craie à 25 € alors que le Blue Diamond coute seulement 3 € pièce ? De plus, le changement de forme impliquait un changement de porte-craie et donc des frais supplémentaires. Bref, j’ai longuement hésité avant de franchir le cap.
Le Roku est une craie nouvelle génération produite par Kamui depuis 2018, qui devait corriger certains défauts de ses précédents modèles, les craies hauts de gamme 1.21 et 0.98. Cette craie a été pensée pour être plus sèche que les modèles cités et moins salissante. N’ayant jamais testé l’un ou l’autre des modèles en question, je ne saurais dire si cette affirmation est fondée ou pas. Ce que je peux dire en revanche, c’est que la Roku est une craie hexagonale (j’y reviendrais plus loin) conçue pour proposer une meilleure application, un meilleur contact avec la bille blanche (qui permet théoriquement d’appliquer plus d’effet), de produire moins de poussière et en conséquence de moins nécessiter d’application régulière au cours du jeu. Le marketing va même jusqu’à suggérer que la durée de vie de cette craie est supérieure aux autres puisqu’on l’applique moins souvent. On y reviendra. Une attention particulière a été apporté à la gestion de l’usure de la craie : des bandes prédécoupées permettent de réduire l’emballage au fur et à mesure que la craie s’use. C’est une excellente idée qui pourrait inspirer d’autres marques. Voila pour le marketing. Mais en condition de jeu, qu’en est-il ?
Force est de constater qu’après utilisation régulière depuis un an, tous les points évoqués sont respectés : l’application est rapide, la craie couvre bien le procédé (sous réserve que celui-ci soit en bon état), elle ne marque pas la blanche et on peut enchainer de nombreux coups avant la fausse-queue.
Si je me penche maintenant sur ma propre grille de lecture, je constate les éléments suivants :
- La Roku est grasse, son pouvoir couvrant est excellent et nécessite peu de passage, même après plusieurs coups joués. C’est un très bon point.
- La Roku ne grince pas à l’application puisqu’elle a un grain fin. Pour moi, c’est un bon point (je déteste le bruit de la craie qui grince !)
- La Roku ne marque pratiquement pas la blanche : il faut des conditions vraiment particulières pour qu’il reste une trace de bleu sur la blanche (humidité importante, quantité excessive de bleu appliquée sur le procédé, shoot particulièrement puissant)
- La Roku tient sans problème tout un rack de 8. Lors de mes test, j’ai constaté que je pouvais jouer plus de 9 shoots d’affilée sans devoir remettre de craie. Jouant beaucoup à la 8 et au 14.1, c’est également un très bon point. D’après The Billiard Corner, il serait en moyenne possible de jouer jusqu’à 16 coups avant la fausse-queue !
Néanmoins, j’apporte quelques bémols :
Déjà, la forme hexagonale est sujette à débat. Au niveau de la prise en main, on aime ou on n’aime pas, mais personnellement j’aime bien. En revanche, ce type de forme pose un problème au niveau du creusement inégal de la craie. En effet, avec une craie cubique, le creusement est assez harmonieux et entame la craie de manière plus ou moins horizontale. Sur cette forme, je constate que le creusement se fait beaucoup plus verticalement qu’horizontalement, m’obligeant à « remonter » régulièrement la craie sur le support pour tenir compte de l’angle de creusement. Il en résulte une usure rapide. Ainsi, après 1 an de jeu (à raison de 8h par semaine mais avec 8 mois d’interruption pour cause de Covid), ma craie est entamée d’environ 30%. Je pense donc qu’en appliquant le même ratio sur une année complète, une craie Roku tient à peine un an par rapport à mon usage ! L’achat d’une craie Roku doit être méditer car son coût à l’usage est loin d’être anodin.
L’autre défaut de la Roku est qu’elle est globalement salissante, non pour les billes ou la table, mais pour votre sacoche ou votre étui ! Je ne saurais que trop vous conseiller d’essuyer votre procédé (ou d’utiliser un protège-procédé) avant de ranger votre flèche. Cela peut sembler anodin, mais l’excès de saleté dans votre étui peut avoir pour conséquence de salir votre flèche ou votre virole très rapidement : personnellement je déteste avoir des traces cradingues sur ma virole quand je joue car j’ai remarqué que ça me déconcentrait (encore un TOC après celui du bleu qui traine sur la table ^^).
Conclusion : faut-il acheter une craie Kamui Roku ?
La Roku vaut-elle le coup ? Oui, indéniablement. C’est une craie premium, d’excellente qualité, qui tient longtemps et ne salit ni les billes, ni les mains, ni le tapis. Mais vaut-elle son coût ? Là est la question : à 25 €, elle s’use affreusement vite et n’offre pas d’avantages décisifs face à d’autre modèle de craie comme la Pyro de Taom, vendue 16.20 € sur le site de la marque, pour des performances similaires. Testez la Pyro : si elle ne vous convient pas, alors la Roku sera votre amie. Sinon, restez sur la Pyro.