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Joue-t-on mieux quand on est bourré ?

Il y a quelques semaines, un élève m’a demandé pourquoi je n’autorisais pas les la consommation d’alcool pendant les cours. Je lui ai alors expliqué que j’avais du faire cours à un élève alcoolisé il y a quelques temps et que l’expérience avait été suffisamment désagréable pour que je ne souhaite pas la renouveler. À mon explication, il opposa une parade implacable : « C’est dommage, je suis meilleur quand je bois ». Et ce n’était pas la première fois que j’entendais ce genre de réflexion.

Mais alors, d’où vient cette croyance populaire affirmant que l’on joue mieux après quelques verres ? De cette interrogation est né cet article insolite.

Pourquoi certains pensent qu’ils jouent mieux sous l’effet de l’alcool ?

Disons-le tout de suite : non, on ne joue pas mieux bourré. Au contraire. Mais en cherchant à débunker cette légende urbaine, j’ai aussi cherché à comprendre quels sont les éléments qui se cachent derrière. Une première question s’est alors posée : à partir de quelle quantité d’alcool considère-t-on qu’on joue mieux ? Naturellement les joueurs interrogés ont été incapables de me donner une fourchette un minimum objective : « dès la première bière » pour l’un, « au moins 3 bières » pour un autre, et ainsi de suite.

En réalité, ce sont d’abord et avant tout les effets connus de l’alcool qui vont donner l’impression de mieux jouer : Avec l’effet euphorisant, on va jouer sans arrière-pensées, sans craindre la comparaison ou les « qu’en dira-t-on » et avec l’effet désinhibant, on va tenter des choses que l’on n’aurait jamais tenté à jeun et peut-être même les réussir, donnant ainsi l’illusion que l’on maitrise mieux son jeu.

Le concept du « joueur conscient » vs « joueur inconscient »

Depuis quelques années déjà, je parle régulièrement de ce concept à mes élèves qui galèrent avec les changements induits par les cours (nouvelle position, mise en place d’une routine pré-shot, etc.)

Le concept peut se résumer ainsi : le joueur conscient est la partie de vous qui sait ce qu’elle doit faire consciemment pour améliorer son niveau de jeu. C’est la version de vous qui fournit un effort coûteux pour mettre en place des changements et s’y tenir, exercice après exercice. Tous les joueurs qui sont passés par là vous le confirmeront : c’est épuisant, frustrant et parfois même un brin humiliant. Mais c’est le prix à payer pour progresser. C’est alors qu’entre en scène le joueur inconscient, la version précédente de vous-même, qui ne réfléchit ni à son jeu ni à sa position. Il faut considérer le joueur inconscient comme un mode de défense du cerveau face à des changements qui le mettent en difficulté et qui consomment avidement ses ressources, à commencer par sa concentration. Ainsi, dès qu’il commence à fatiguer ou qu’il se sent en danger, le corps va appeler à la rescousse le joueur inconscient et le laisser gérer à sa place, en pilote automatique. Or, là aussi, tout ceux qui sont passés par là en conviendront : on est rarement efficace quand on est en pilote automatique. En effet, le joueur inconscient va ramener tout ce qui ne fonctionne pas dans votre jeu et abîmer votre mémoire kinesthésique en remplaçant les sensations que vous cherchez à associer avec vos réussites par des sensations faussement positives associées à des échecs. Pour reprendre un terme managérial bien connu, le joueur inconscient cherche à vous ramener dans votre zone de confort !

L’alcool, en tant que désinhibiteur et anesthésiant, va accélérer le processus d’épuisement cognitif : votre concentration va rapidement s’effondrer, vous faisant passer en pilote automatique, avec cette sensation faussement positive « que vous êtes bien ». Mais en réalité, vous jouez de plus en plus mal, vous faites des erreurs énormes, vos replacements sont ratés, votre speed control est dans les choux.

Conclusion : non on ne joue pas mieux bourré

Alors oui, lorsque vous buvez, vous avez la sensation de mieux jouer parce que l’alcool vous empêche tout simplement de penser et de vous concentrer. Dès lors, votre joueur inconscient prends le relais et fait (mal) ce qu’il faisait avant que vous n’en l’empêchiez : vous allez réussir quelques billes, rater la majorité des replacements en considérant que vous n’avez pas de chance aujourd’hui, tout en faisant deux dégâts collatéraux : votre mémoire kinesthésique et la confiance que vous commenciez difficilement à bâtir.

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